L'Observatoire de l'Éthique PubliqueCommuniqués de Presse

Communiqué de presse

Communiqué de presse n°6

Le régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel ne repose pas sur un fondement juridique conforme à la Constitution

Au terme d’une enquête de deux ans, l’Observatoire de l’éthique publique a mis en lumière une série de difficultés juridiques entourant le régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel. Alors que s’est progressivement formée une culture juridique de la transparence, cette enquête a révélé que, depuis les toutes premières années d’existence de la Ve République, le régime indemnitaire des membres de l’institution est opaque et partiellement non conforme au droit.

Communiqué de presse n°6

En effet, de 1960 à 2001, les membres du Conseil constitutionnel ont bénéficié d’une exonération d’impôt juridiquement injustifiée : seule la moitié de leur indemnité était soumise à l’impôt sur le revenu. Ce régime fiscal spécifique était fondé sur une décision non publiée du 11 janvier 1960, émanant du secrétaire d’État aux finances (à l’époque, M. Valéry Giscard d’Estaing). 

Après une décennie de contestations de cette irrégularité fiscale, le président du Conseil constitutionnel a demandé l’abrogation de la décision du 11 janvier 1960. Cette abrogation lui fut accordée par une lettre (non publiée) du 16 mars 2001 de la secrétaire d’État au budget (Mme Florence Parly). Ainsi, depuis 2001, l’indemnité des membres du Conseil constitutionnel est entièrement soumise à l’impôt sur le revenu. Toutefois (et pour compenser le manque à gagner résultant de l’augmentation de leur impôt), les membres du Conseil ont obtenu, par cette même lettre du 16 mars 2001, que leur indemnité soit « complétée » à compter du 1er janvier 2001. 

La lettre de Mme Parly avait pour objet de mettre fin à une irrégularité juridique. Mais elle en a créé une autre, plus grave encore. En effet, ni un secrétaire d’État, ni aucun membre du gouvernement n’est compétent pour définir l’indemnité des membres du Conseil constitutionnel ou en fixer le montant ou en créer une nouvelle. En application des dispositions de la Constitution (article 63), seul le législateur organique est compétent en la matière. La décision de Mme Parly de créer, en 2001, une indemnité « complémentaire » au profit des membres du Conseil constitutionnel est donc illégale dans la mesure où elle émane d’une autorité incompétente. Cela signifie également que si, depuis 2001, les membres du Conseil constitutionnel sont des contribuables irréprochables, ils perçoivent néanmoins une indemnité qui, pour partie, est illégalement versée. 

Quel était, en 2001, le montant de cette indemnité complémentaire illégalement versée ? L’Observatoire de l’éthique publique a eu accès aux fiches de paye des membres de l’institution de novembre et décembre 2000, 2001 et 2002. Elles ont confirmé les résultats des enquêtes menées. En décembre 2000, le montant de la rémunération mensuelle nette perçue par les membres du Conseil constitutionnel s’élevait à 6563, 49 euros. Les fiches de paye postérieures à la décision de Mme Parly révèlent que le montant mensuel net versé aux membres fut, en 2001, augmenté de 50 %. Fin 2001, le montant de la rémunération mensuelle nette versée à un membre est de 9770, 10 euros. 

Pour résumer, à partir de janvier 2001, le montant de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel était de 9770, 10 euros : les deux tiers de cette somme étaient perçus en application de l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, qui fixe le montant de l’indemnité des membres ; un tiers était perçu sur le fondement de la décision illégale de Mme Parly. 

Quel est, aujourd’hui, le montant de l’indemnité des membres du Conseil constitutionnel ? L’Observatoire de l’éthique publique ne dispose pas de données chiffrées précises à ce sujet. En se fondant sur la déclaration d’intérêts déposée à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique par Mme Nicole Belloubet, qui était membre du Conseil constitutionnel lorsque, en 2017, elle a été nommée au gouvernement, L’Observatoire évalue la rémunération mensuelle nette d’un membre à environ 13 305 euros nets : ce montant est presque deux fois plus élevé que celui qui est prévu par l’article 6 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. 

Le gouvernement, alerté par les questions des parlementaires membres de l’Observatoire de l’éthique publique sur ces difficultés, a tenté de modifier le régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel dans le cadre de la réforme du système universel des retraites. 

Le 5 mars 2020, l’Assemblée nationale a adopté sans débat (car le texte en discussion portait sur le régime des retraites, et non sur la rémunération des membres du Conseil constitutionnel) une nouvelle rédaction de l’article 6 de l’ordonnance de 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le président et les autres membres du Conseil constitutionnel perçoivent une rémunération égale au traitement afférent respectivement aux deux premiers groupes supérieurs des emplois de l’État classés hors échelle, complétée par une indemnité de fonction dont le montant est fixé par arrêté du Premier ministre et du ministre chargé du budget » (l’innovation, par rapport à l’article 6 de l’ordonnance de 1958, est en italiques dans la citation du texte). 

Cette réforme n’est pas satisfaisante dans la mesure où elle conduirait le gouvernement, co- législateur, à déterminer en partie le montant de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel. 

Seul un débat non escamoté, public et serein devant le parlement sur la question de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel serait à la hauteur des enjeux en cause dans cette affaire. 

Fichiers

Publié le 25/06/2020