Transparence et déontologie parlementaires : bilan et perspectives
La culture française repose sur une tradition du secret encore bien ancrée dans les esprits et dans les pratiques. Toutefois, ces dernières années ont été marquées par une évolution notable en la matière, essentiellement sur la base des lois fondatrices du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique et des autres textes adoptés dans leur sillage (ainsi de la loi du 9 décembre 2016 dite Sapin 2, et des lois du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique). Or, ce « moment déontologique » a principalement touché le Parlement, qui fut l'institution la plus mobilisée avec la création d'un organe déontologique au sein de chaque chambre, l'adoption d'un code de déontologie, l'encadrement de l'ex-IRFM comme de la réserve parlementaire (désormais supprimée), le dépôt de déclarations d'intérêts et de situation patrimoniale et les règles relatives au lobbying ou au déport des parlementaires. C'est donc tout naturellement que l'institution parlementaire a été retenue pour apprécier la portée de ces objets juridiques que sont la transparence et la déontologie. Si ces dispositifs instituent désormais un cadre contraignant de l'activité parlementaire, leur efficacité dépend de leur adaptation aux pratiques du pouvoir. Or, ces règles d'information et de contrôle ainsi que ces nouveaux droits et devoirs ont été progressivement appliqués à d'autres acteurs liés à l'activité parlementaire qui, longtemps restés dans l'ombre, constituent l'entourage immédiat des élus, Récemment mis sous le feu des projecteurs, les collaborateurs parlementaires sont désormais soumis à une ébauche de statut juridique qui comporte quelques règles déontologiques (interdiction des emplois familiaux, déclaration à l'employeur des activités annexes). De la même manière, doit être plus souvent mis en lumière le rôle des administrateurs parlementaires, dont l'influence sur la prise de décision est parfois très prégnante. Transparence et déontologie ouvrent donc un accès à une vision nouvelle des modes de l'action publique et des processus de fabrication du droit, et cette évolution nous invite à revoir nos manières de concevoir le pouvoir politique. Cette mutation constitue aussi le signe d'une démocratie qui accepte de se questionner elle-même, et de repenser ses méthodes et ses fondements.
Le colloque "Transparence et déontologie parlementaires : bilan et perspectives", qui s'est déroulé les 25 et 26 octobre 2018 à l'Assemblée nationale et au Sénat, est le fruit d'une collaboration entre le projet ANR "Les élus et l'argent" (ELUAR) et l'Observatoire de l'éthique publique (OEP), pour qui ce fut la première grande manifestation scientifique depuis sa création en 2018. En conformité avec la philosophie de l'OEP, composé d'universitaires et de parlementaires, ces deux journées ont permis de faire dialoguer des chercheurs en sciences humaines avec des élus, des administrateurs de l'Assemblée nationale, des représentants de collaborateurs parlementaires, d'autorités administratives ou d'associations citoyennes ainsi que des journalistes. Ces acteurs aux profils disparates ont mis en commun la richesse de leurs expériences et de leurs réflexions afin d'ouvrir des perspectives inédites pour réformer la déontologie parlementaire.
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Publié le 07/09/2019
L'auteur
Jean-François Kerléo
Vice-président
L'autrice
Elina Lemaire
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