Rendre plus transparentes et objectives les rémunérations des hauts fonctionnaires
Les rémunérations des « grands commis de l’État »
La fonction publique représente un chantier permanent. La perspective d’une réforme est avancée depuis plusieurs années (elle remonterait même à l’Ancien Régime). Entre propositions très libérales inspirées des réformes menées par Margaret Thatcher et propositions qualifiées de sociales-démocrates venant d’une gauche plus modernisatrice, les gouvernements successifs ont bien eu du mal à trouver la via media.
Mais une chose est sûre, le thème de la rémunération des hauts fonctionnaires n’a été que rarement abordé. Si le sujet est épineux, les informations en la matière ont longtemps manqué. Grâce aux travaux de certains chercheurs et élus, à l’instar du député René Dosière, qui a fait de la transparence budgétaire son cheval de bataille, la transparence s’est progressivement répandue. Récemment, la Cour des comptes a rendu public un référé alarmant sur la rémunération des hauts fonctionnaires de Bercy. En 2018, la Commission d’enquête du Sénat a rendu, comme la DGAFP, un rapport sur les mutations de la haute fonction publique. Depuis le début de l’année 2019, l’INSEE a publié une étude sur le sujet, des députés ont déposé deux propositions de loi, un amendement a été adopté en mai dans le cadre de l’étude du projet de loi sur la « transformation de la fonction publique » ; les presses scientifique et nationale ont également publié de nombreux articles. Tous abordent le même sujet : le manque de transparence et d’objectivité des rémunérations des hauts fonctionnaires.
Si les « hauts fonctionnaires » n’ont pas de définition juridique, on sait néanmoins qu’ils représentent 1,3% des 5,4 millions d’agents de la fonction publique (les trois versants confondus), soit près de 120.600 agents. Ils bénéficient globalement, il est vrai, de rémunérations intéressantes. Selon l’étude de l’INSEE, rendue publique en février 2019, « les 1% des salariés de la fonction publique les mieux rémunérés gagnent plus de 6.100 euros nets par mois ». Mais il ne s’agit là que d’une moyenne.
Tous ces agents ne sont pas égaux face à la rémunération. En effet, les « A+ » ayant des fonctions juridictionnelles, d’inspection, de contrôle et d’expertise ainsi que ceux ayant des fonctions d’enseignement supérieur et de recherche sont moins bien rémunérés que ceux ayant des fonctions de direction et d’encadrement (dits fonctionnaires « administratifs »), qu’ils soient à Bercy, au Quai d’Orsay, dans les agences de l’État, les AAI et API, les cabinets ministériels, les services déconcentrés, les établissements d’enseignement supérieur ou encore les hôpitaux. Et même si les rémunérations peuvent paraître très hautes, elles sont en dessous de la moyenne par rapport au secteur privé et très éloignées des rémunérations des dirigeants d’entreprises du CAC 40.
Les rémunérations des hauts fonctionnaires sont, dans leur grande majorité, justifiées et en adéquation avec les responsabilités et risques assumés ainsi que la lourde charge de travail, l’expérience professionnelle et le mérite de chaque agent. Elles permettent également de garantir la probité des hauts fonctionnaires qui œuvrent avec dévouement pour l’intérêt général. Une rémunération substantielle les met davantage à l’abri des conflits d’intérêts et de la corruption en les tenant éloignés des tentations de l’argent provenant des puissances économiques et étrangères. Enfin, elles visent à éviter la fuite vers le privé de talents dont l’État a grandement besoin.
Il n’en demeure pas moins qu’elles peuvent interroger. Une part substantielle de celles-ci n’est pas publique (à l’instar des primes versées) et demeure fixée de manière discrétionnaire, sans critère objectif, par le fait du Prince. Elle échappe donc à tout contrôle du Parlement et des citoyens, à l’heure où la société réclame davantage de transparence dans l’action publique et de sobriété dans les dépenses des deniers. L’argument de l’attractivité semble en outre devoir être avancé avec précaution tant il peut pousser à la surenchère pour attirer et retenir des agents qui peuvent être tentés par les salaires plus hauts du secteur privé.
Enfin, il faut garder à l’esprit que les Français, qui comparent nécessairement leur situation personnelle à celles des hauts fonctionnaires, ont pour salaire médian 1.692 euros nets mensuels.
Rendre plus transparentes et objectives les rémunérations des hauts fonctionnaires participera à restaurer la confiance que placent les citoyens dans les institutions et à rétablir davantage de justice sociale.
Fichiers
Publié le 04/07/2019
L'autrice
Béatrice Guillemont
Secrétaire générale