Des députés veulent muscler les règles du financement des groupes politiques
Dans un courrier adressé au président de l’Assemblée nationale, trois députés, membres de l’Observatoire de l’éthique publique, suggèrent des pistes pour améliorer le système de financement public des groupes politiques parlementaires.
“Encore un petit effort de transparence pour les groupes politiques parlementaires !”... Il y a quelques semaines, Elina Lemaire, maître de conférence en droit public à l’université de Bourgogne et membre de l’Observatoire de l’éthique publique, avait donné le ton dans une tribune publiée par Capital. Certes, admettait-elle volontiers, la transparence du financement public des groupes politiques parlementaires s’est nettement améliorée depuis une dizaine d’années. Mais il existe encore une marge de manœuvre pour parfaire la réglementation du système. Dans un courrier daté du 10 décembre dernier, dont Capital a pris connaissance, les députés du groupe socialistes et apparentés, Christine Pires Beaune, Régis Juanico et Cécile Untermaier, ont soumis au président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, plusieurs propositions concrètes reprenant les pistes de l’universitaire.
La première réforme concerne la destination des fonds publics alloués par l’Assemblée nationale et le Sénat aux groupes politiques, en fonction de leur effectif. Si les textes en vigueur prévoient déjà de limiter leur utilisation à la rémunération des collaborateurs et aux dépenses de fonctionnement des groupes, en vertu du principe de spécialité, les auteurs du courrier suggèrent, en outre, d’y ajouter des précisions afin d’écarter définitivement le risque de détournement. Ainsi, les dépenses interdites, telles que le financement d’un parti politique, d’une campagne électorale, ou l’achat d’un bien immobilier voire d’un véhicule, pourraient faire l’objet d’une énumération exhaustive afin d’être clairement identifiées par tous les élus, comme c’est le cas au Parlement européen.
Inspirés par les travaux d’Elina Lemaire, qu’ils côtoient au sein de l’Observatoire de l’éthique publique, les députés à l’initiative du courrier ont identifié une deuxième “zone grise” dans la réglementation du financement des groupes politiques. En cas de dissolution ou de non-reconduction d’une ce des formations, à la suite d’élections législatives, par exemple, aucune norme précise n’est prévue pour encadrer la restitution du reliquat des fonds qui leur ont été alloués, ni au Sénat, ni à l’Assemblée.
Christine Pirès Beaune et ses collègues jugent donc opportun d’adopter des dispositions imposant que la part de la dotation versée, et non utilisée, soit restituée aux chambres parlementaires. “Cette question n’est pas neutre, compte tenu de l’inflation du nombre de groupes politiques (ndlr : 10, actuellement à l’Assemblée nationale) et de leur durée de vie parfois éphémère”, rappellent-ils, en citant l’exemple de la formation Écologie, Démocratie, Solidarité (EDS). Celle-ci avait été dissoute en octobre dernier, cinq mois seulement après sa création, à la suite de la défection d’une députée. Ce départ avait fait passer l’effectif d’EDS sous le seuil des 15 membres nécessaires pour former un groupe.
Enfin, les auteurs du courrier à Richard Ferrand soutiennent l’idée d’une certification annuelle des comptes des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat par la Cour des comptes. Une pratique qui existe déjà en ce qui concerne le budget “général” des chambres, et qui permettrait de renforcer le contrôle externe de ces institutions, sans entamer leur indépendance.
Pour rappel, les groupes politiques parlementaires sont des formations internes aux assemblées, au sein desquelles les élus se retrouvent selon leurs affinités politiques. Outre les cotisations mensuelles de ces derniers, l’essentiel du financement des groupes est assuré par les dotations de la chambre à laquelle ils appartiennent. Au total, les 10 formations politiques de l’Assemblée nationale se sont partagées une dotation d’environ 11 millions d’euros en 2019. Un chiffre légèrement supérieur au montant de 10,6 millions d'euros répartis entre les 8 formations du Sénat.
L’urgence de réglementer l’allocation de ces fonds était apparue en 2014, à l’occasion d’un article de Mediapart révélant le prêt de 3 millions d’euros accordé, deux ans plus tôt, par le groupe UMP à l’Assemblée au parti politique éponyme. Une situation impensable aujourd’hui, la pratique étant contraire au principe de spécialité des fonds publics, qui régit les dotations aux formations politiques parlementaires.
Publié le 18/11/2020