Vers une responsabilité disciplinaire pour les élus et déontologiques ?
Comment faire progresser la culture déontologique des élus locaux dans les grandes collectivités ? Membre de l’observatoire de l’éthique publique, Pierre Meurisse suggère dans une note dédiée de renforcer le statut des déontologues et la portée de leurs travaux, mais également de muscler le règlement intérieur des assemblées délibérantes pour instaurer ni plus ni moins qu’une responsabilité disciplinaire des élus. Lire cet article sur le site web de nos confrères du Courrier des maires.
Dix ans après la loi transparence du 11 octobre 2013, la culture déontologique a peu à peu infusé et les collectivités locales n’y ont pas dérogé, notamment dans les plus grandes ayant instauré divers mécanismes. Mais l’hétérogénéité de ces dispositifs et, pour certains, leur caractère facultatif ou l’absence de sanctions liées, amènent l’Observatoire de l’éthique publique à avancer ses pistes pour un « acte 2 » de la déontologie dans les grandes collectivités.
Dans une note dédiée, Pierre Meurisse, membre de l’OEP, suggère de renforcer considérablement le statut et la porte des travaux des déontologues auprès des élus locaux. D’abord en renforçant leur légitimité, alors que celle-ci peut être mise en cause par une partie de l’assemblée délibérante : « les élus de l’opposition, à l’inverse de leurs collègues aux responsabilités, sont beaucoup moins respectueux des engagements déontologiques ». D’où « une certaine politisation des engagements déontologiques, observe-t-il, le déontologue étant considéré, implicitement et peut-être même inconsciemment, comme faisant partie ou se rangeant naturellement du côté de la majorité ». De quoi nuire selon lui à la portée des travaux des déontologues. Pour y remédier, ces derniers pourraient ainsi faire l’objet d’une investiture lors d’une séance du Conseil, afin d’affirmer son indépendance, « sa neutralité » et, de fait, sa légitimité. Une fois son statut renforcé, il s’agirait de faire de même avec ses travaux, qui seraient publiés obligatoirement sur le site internet de la collectivité, et de prévoir que le référent déontologue puisse présenter son rapport lors d’une séance du conseil.
Un appel à la HATVP pour mettre de l’ordre dans les chartes
C’est par ailleurs dans l’homogénéisation des pratiques de ces référents que Pierre Meurisse voit un enjeu d’amélioration de la culture déontologique dans les grandes collectivités. « Il existe une très forte hétérogénéité entre les outils utilisés, leur fonctionnement, et les modalités de leur déclenchement, observe-t-il. Ainsi, il est pour le moins étonnant de constater que les priorités déontologiques ne sont pas les mêmes dans l’ensemble des collectivités », relève-t-il. Et d’illustrer par les conditions d’attribution d’un logement social par un élu : « Très encadrées par la charte déontologique de la ville de Paris, elles sont toutefois absentes de nombreuses chartes déontologiques de collectivités connaissant pourtant de très fortes tensions en matière de logements sociaux ».
C’est donc à un travail d’harmonisation qu’en appelle le membre de l’OEP au regard des formes très variées de déontologue coexistant dans les différentes collectivités : déontologue à Strasbourg, comité consultatif d’Éthique et de Transparence à Lille, référent déontologue, laïcité et alerte éthique à Bordeaux, collège à Montpellier ou encore direction en charge des affaires juridiques et de la déontologie à Marseille. Le tout avec des missions divergentes. C’est là que pourrait intervenir selon lui la Haute autorité de transparence pour à la vie publique (HATVP). D’abord en réunissant ces déontologues des élus pour harmoniser tant les procédures de saisine et de fonctionnement, que leurs outils de travail : les chartes locales. Afin de repousser tout risque de « déontologie à la carte », la HATVP superviserait la construction « d’un référentiel pour les chartes de déontologie. Sans remettre en cause la liberté et l’autonomie dont jouissent les collectivités, il est proposé une progressive harmonisation des chartes qui, tout en laissant place à certaines particularités, permette l’érection d’une base commune », plaide l’auteur.
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Publié le 07/04/2023 ∙ Média de publication : La gazette des communes