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Note #23

Pour renouer la confiance publique, il faut commencer par moraliser le financement de la vie politique

Pour renouer la confiance publique, il faut commencer par réformer les modalités de financement des partis politiques et des campagnes électorales tout en renforçant considérablement les contrôles et les sanctions en la matière. Les partis politiques jouent un rôle essentiel consacré par la Constitution selon laquelle ils « concourent à l’expression du suffrage ».

Mais force est de constater que, depuis des années, les partis politiques essuient un feu roulant de critiques. Avec seulement 21 % des Français qui leur font confiance, ils se retrouvent bon dernier dans le Baromètre de la confiance politique de janvier 2022 du CEVIPOF ! On annonce, d’ailleurs, régulièrement leur disparition. Robert Hue avait même choisi comme titre, pour son ouvrage publié en 2014, « Les partis vont mourir... et ils ne le savent pas ! ». Dans le même esprit, Emmanuel Macron avait décrété, dans son essai « Révolution » publié en 2016, que « nos partis politiques sont morts de ne plus s’être confrontés au réel »...
Ces organisations honnies restent pourtant incontournables. D’ailleurs, tout mouvement politique émergent, y compris s’il s’est construit en opposition aux partis en place, commence par créer... un parti politique ! Décidemment, « les partis meurent longtemps » !
Une des raisons de leur résistance est compréhensible : c’est un moyen de capter des financements publics. Ainsi, en 2022, l’État a versé 66 millions d’euros répartis entre 30 formations politiques (dont 12 avaient présenté des candidats exclusivement en outre-mer).
Les partis politiques peuvent également faire bénéficier leurs adhérents et donateurs d’une réduction d’impôt sur le revenu à hauteur de 66 % de la somme versée, étant entendu qu’une personne ne peut pas verser plus de 7 500 euros, par an, à un ou plusieurs partis.
Ainsi, au titre de l’impôt sur le revenu 2019, 165 000 foyers ayant déclaré un ou plusieurs dons ou cotisations à un parti politique ont bénéficié de 39 millions d’euros de réduction d’impôt.

En raison de ces financements publics directs ou indirects, tous les contribuables soutiennent financièrement les partis politiques, même involontairement.
Enfin, les partis politiques sont les seules personnes morales qui sont autorisées à faire un don à un autre parti politique ou un candidat à une élection. C’est d’ailleurs cette faculté qui explique la multiplication des micro-partis. Ainsi, en 2020, 3,75 % des recettes des partis proviennent d’un autre parti. Lors des élections européennes de 2019, 23,43 % des recettes des candidats provenaient de l’apport de partis - sous forme de versements définitifs, de dépenses payées directement ou de concours en nature - tandis que 49,21 % des recettes résultaient d’un emprunt accordé par un parti.
Si les partis politiques sont largement financés par de l’argent public, ils sont soumis à peu de contraintes...
La Constitution elle-même fixe un cadre peu rigide en posant le principe que les partis politiques « se forment et exercent leur activité librement ». Comme l’explique le politologue Éric Buge, devant le silence des règles constitutionnelles, il a longtemps existé une forme d’autorégulation en matière de droit financier de la vie politique : « les intéressés élaborent les règles qui les concernent eux-mêmes. Ils définissent les moyens financiers de leur propre activité. Or, en l’absence de garde-fous constitutionnels, la tentation est forte de ne pas réglementer ou de réglementer a minima ».
Diverses affaires (Carrefour du développement, Luchaire, Urba...) allaient néanmoins montrer comment des associations subventionnées ou des entreprises bénéficiant de marchés publics parvenaient à financer des partis politiques et des campagnes électorales.
Ces scandales allaient inciter le législateur, à partir de 1988, à mieux encadrer le financement de la vie politique5.
Si des progrès ont été incontestablement accomplis en la matière, le cadre juridique en vigueur ne permet toujours pas d’éviter les abus. Or, il n’est pas possible de rétablir la confiance entre élus et électeurs sans commencer par moraliser le financement de la vie politique.

Fichiers

Publié le 23/03/2022

L'auteur

Jean-Christophe Picard

Jean-Christophe Picard