Déontologie gouvernementale
Comment expliquer la naissance si tardive de la déontologie au sein du pouvoir exécutif ? Que doit-on entendre par « déontologie gouvernementale » ? Est-elle régie par des textes ou de simples pratiques ? Dans quelle mesure concerne-t-elle à la fois les membres du Gouvernement et les collaborateurs ministériels ? Est-elle une construction juridique achevée ? En quoi participe-t-elle au perfectionnement de la responsabilité politique ou de la démocratie ? C'est à ces questions que les auteurs de cet ouvrage essaient d'apporter des éléments de réponses. Affaires Tapie, Carignon, Gaymard, Guéant, Bettencourt, Cahuzac, de Rugy ou Delevoye : depuis les années 1990, les inconduites gouvernementales ont alimenté la chronique, nourri le sentiment que la corruption présidait au plus haut sommet de l'État, abîmé le lien de confiance entre les Français et leurs gouvernants. Paradoxalement, la transparence et la déontologie n'ont jamais autant progressé qu'au cours des trois dernières décennies. La première pierre de la déontologie gouvernementale fut posée en 1992 avec la « jurisprudence » Bérégovoy-Balladur qui exigeait la démission du membre du Gouvernement mis en examen. La deuxième pierre provint de l(« affaire Gaymard » de 2005 qui mit en lumière le vide entourant la question du logement de fonction des membres du Gouvernement et qui conduisit à l'adoption par le Secrétariat général du Gouvernement de règles applicables à la fonction de membre du Gouvernement. La troisième pierre fut celle de la charte de déontologie des membres du Gouvernement du 17 mai 2012. Ces pierres ne résistèrent pas à l'épreuve de l'affaire Cahuzac qui démontra que la déontologie gouvernementale nécessitait d'être gravée dans la roche du droit dur. Ce fut chose faite avec les lois du 11 octobre 2013, consolidées par celles du 15 septembre 2017, qui renforcèrent les contraintes déontologiques : création de la HATVP ; publicité des déclarations de patrimoine et d'intérêts ; vérification de la situation fiscale ; interdiction du recrutement des entourages familiaux ; registre de déport en cas de conflits d'intérêts ; encadrement du « pantouflage »... Au-delà du diagnostic, cet ouvrage se risque à avancer des propositions. Ainsi en va-t-il de l'idée d'instituer un déontologue du Gouvernement, initiée par l'Observatoire de l'éthique publique, soutenue par Jean-Marc Sauvé et René Dosière, lesquels écrivent : « Nous espérons que le Président de la République et le Premier ministre désignés en 2022 auront l'audace d'instituer le déontologue du Gouvernement pour que Droit gouvernemental rime mieux avec État de droit. »
La déontologie du gouvernement et de la vie politique n'est pas une idée neuve en France, ni en Europe. Mais elle a tardé à s'imposer dans notre pays. Après quelques textes plus proclamatoires que substantiels, elle n'a véritablement trouvé sa place dans les règles de notre vie publique que dans les années 2010, sous les coups de boutoir répétés de scandales qui ont affecté la confiance déjà chancelante de nos concitoyens en ceux qui portent la responsabilité de l'intérêt général. C'est l'occasion de souligner que les mutations du cadre légal de la déontologie de la vie publique en France ont été majeures au cours de la dernière décennie. Alors que notre pays accusait un retard significatif, il se trouve aujourd'hui doté d'un corpus de règles et d'un réseau institutionnel d'application autour du vaisseau amiral de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, qui le placent à l'avant garde des pays de l'OCDE. Il est donc particulièrement nécessaire d'opérer un retour sur le chemin impressionnant qui a été parcouru, afin de mieux prendre la mesure des fondations de l'édifice bâti, des acquis de cette période, du fonctionnement concret du dispositif instauré, des lignes de progrès qui demeurent et des perspectives à plus long terme de cette construction.
C'est l'ambition de cet ouvrage publié sous la direction du professeur Jean-François Kerléo et de Monsieur Matthieu Caron de mener ce travail de bilan, d'analyse et de prospective.
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Publié le 05/04/2022
L'auteur
Matthieu Caron
Directeur du département Éthique des affaires
L'auteur
Jean-François Kerléo
Vice-président