Le Conseil constitutionnel à l'épreuve de la déontologie et de la transparence
La profession de la culture de la déontologie et de la transparence a conduit depuis le début des années 2000, au renforcement des exigences éthiques applicables à la plupart de nos institutions publiques étatiques ou infra-étatiques, par la multiplication des outils et instruments déontologiques et le renforcement des obligations pesant sur les acteurs politiques, les responsables et les agents publics (durcissement des règles d'inéligibilité, incompatibilités et cumuls, création de dispositifs de prévention des conflits d'intérêts, contrôle strict des rémunérations, indemnités et frais de mandat, encadrement du lobbying, création d'instances déontologiques, etc.) Ces progrès ont relativement épargné le Conseil constitutionnel, qui est resté en marge de ce mouvement. Principalement conçu, dans l'esprit des pères fondateurs de la Constitution de la Ve République, comme un "organe régulateur de l'activité des pouvoirs publics", le Conseil constitutionnel s'est très largement émancipé du rôle qui lui avait été dévolu à l'origine. Alors qu'il s'est radicalement transformé depuis 1958, endossant (notamment depuis l'entrée en vigueur de la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité) des missions proprement juridictionnelles, les règles de droit constitutionnelles, organiques ou réglementaires relatives à sa composition, au statut de ses membres, à son organisation et à son fonctionnement n'ont, quant à elles, qu'assez peu évolué. Politisation excessive de sa composition, déficience du contrôle parlementaire des nominations, absence d'expertise en droit de ses membres, manquements aux obligations statutaires, dépendance à l'égard du service juridique et du secrétaire général, proximité avec le Conseil d'État, motivation insuffisante des décisions, absence d'encadrement du lobbying exercé auprès de l'institution... : Cet ouvrage se propose de pointer les difficultés que soulèvent, du point de vue de la déontologie et de la transparence, la composition, l'organisation et le fonctionnement de l'un des principaux gardiens de notre État de droit.
Demander à un parlementaire qui a siégeé vint-cinq ans au Palais Bourbon d'introduire un colloque sur le Conseil constitutionnel ne manque pas de surprendre. Car si, aujourd'hui, le Conseil, âgé de soixante-deux ans, a acquis une légitimité et une autorité incontestables, sa création visait à limiter les pouvoirs du Parlement, l'un des objectifs fondamentaux de la Ve République.
En rupture avec la tradition parlementaire issue de la Révolution française et dont l'âge d'or fut la IIIe République, la Ve République met un terme à la souveraineté absolue du Parlement. Non seulement l'exécutif - et en premier lieu le Président de la République - devient préeminent, mais le domaine de la loi se trouve restreint par celui du règlement.
Ce fut pendant treize ans, le rôle principal - sinon unique - du Conseil constitutionnel de vérifier le maintien de cette distinction entre la loi et le règlement au point que durant ses dix premières années d'existence, il ne sera saisi qu'à neuf reprises ! Une activité aussi modeste contribuait à faire oublier son existence.
C'est en 1971, avec la décision sur la liberté d'association, que le Conseil change de rôle. Considérant que le contrôle administratif a priori institué par la loi de juillet 1971 est contraire à la Constitution, en vertu de son préambule, le Conseil se réfère désormais à un "bloc de constitutionnalité" qui, outre le texte de la Constitution, comprend les dix-sept articles de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, les principes énoncés par le préambule de la Cosntitution de 1946 ainsi que les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Avec cette décision, le Conseil constitutionnel apparaît sous un jour nouveau. De régulateur des conflits entre la loi et le règlement il se place désormais en défenseur des droits fondamentauxdes citoyens. Désormais une dynamique jurisprudentielle va se développer. Toutefois, le Conseil rappellera régulièrement, à juste titre, qu'il ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement.
Bref la transparence n'est pas le point fort du Conseil constitutionnel. S'il est vrai que la transparence n'est pas, en soi, un objectif, sa pratique permet d'établir et de maintenir la confiance des citoyens envers leurs institutions. Il est regrettable que le Conseil, sous cet aspect, ne soit pas exemplaire. C'est pourquoi je salue l'initiative d'Elina Lemaire et de Thomas Perroud d'organiser ce colloque sur le Conseil constitutionnel au regard des exigenxes aujourd'hui incontournables, de transparence et de déontologie. Les diverses contributions et leur publication permettront de mieux faire connaître le Conseil constitutionnel.
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Publié le 14/06/2022
L'autrice
Elina Lemaire
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